GOURMAND CROQUANT

Entrée, larve, dessert

Véritables sources de protéines, les insectes pourraient bien faire partie de notre alimentation de demain. Ceux que l’on a longtemps chassés des tables et des cuisines y sont désormais les bienvenus, en sucette, sur du chocolat, à l’apéritif ou accompagnés de pâtes et les amateurs, appelés les entomophages, sont d’ailleurs de plus en plus nombreux. Pourtant, ce n’est toujours pas simple de consommer des insectes, aujourd’hui, en France. Quelques possibilités de s’en procurer, tout de même…
Criquets cuisinés par Jimini’s lors d’un rendez-vous Les Heures Magiques de Google.

“Consommer des insectes est la plus vieille pratique alimentaire qui existe. Ils sont sources de bienfaits pour le corps humain et leur disponibilité sur terre de décroît pas”, tonne Bruno Comby, entomophage convaincu et auteur du livre Délicieux insectes, les protéines du futur (1989). Lui consomme ces petites bêtes crues ou cuisinées, et cherche à faire évoluer les mentalités à ce sujet. “Il faut dix kilos de nourriture pour produire un kilo de viande. Avec dix kilos de nourriture, vous produisez neuf kilos d’insectes. On en parlait peu avant, mais depuis 2008, la FAO véhicule l’idée de la consommation d’insectes”, enchaîne-t-il. Plus qu’un simple régime alimentaire, les larves, punaises et autres scarabées qui se retrouvent dans les assiettes répondent à une véritable problématique écologique : comment nourrir la planète en 2050 quand les ressources alimentaires viendront à manquer ? Si la vente d’insectes comestibles est autorisée dans certains pays, en France, la démarche s’avère plus compliquée.

Un commerce compliqué

“On m’a demandé de ne plus cuisiner d’insectes, même à titre gratuit. Vous savez, les services sanitaires français…” lâche Alexis Chambon d’un air désolé. Converti à l’entomophagisme en 2006, le jeune Breton décide alors de créer sa société, Insectes à croquer, et devient le premier éleveur français d’insectes destinés à la consommation humaine. Également restaurateur, il met des criquets à sa carte. Mais une loi le rattrape et l’oblige à abandonner son business. Cette loi, c’est celle qui concerne les novel foods. “Ce sont des aliments ou ingrédients alimentaires non

On les importe d’Afrique ou d’Asie dans des petits avions qui ne sont pas aux normes sanitaires
Bruno Comby, auteur entomophage

consommés dans la communauté européenne avant 1997. Ils peuvent être d’origine végétale, animale, issus de la recherche scientifique et technologique, mais aussi de traditions ou de cultures alimentaires de pays tiers”, explique l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. Même si on n’y fait pas explicitement référence aux insectes, donc, la vente et l’élevage à grande échelle de ces derniers sont réglementés. Au grand désarroi de l’expert Bruno Comby. “L’Europe légifère le commerce des insectes. On ne peut donc pas en vendre comme on le souhaite. On les importe d’Afrique ou d’Asie dans des petits avions qui ne sont pas aux normes sanitaires. Il y a bien plus de risques à les faire importer qu’à les produire sur notre territoire”, dit-il. D’ailleurs, comme Alexis, de nombreux investisseurs ont dû abandonner l’idée de miser sur les insectes.

Des insectes faits maison

“Les insectes que je mange sont issus de ma production personnelle mais on peut compter trois façons de s’en procurer”, livre Comby. La première consiste simplement à glisser une boîte dans un tiroir : “C’est ce qu’on appelle la production artisanale. Par exemple, vous prenez un couple de grillons, vous le mettez dans une boîte en plastique, puis vous le laissez se reproduire.” En Australie, l’architecte Katharina Unger a même créé un appareil permettant d’élever ses insectes et de les récolter pour sa propre consommation, en réponse aux prédictions pessimistes sur l’avenir quant à la production alimentaire. Les larves étant nourries avec des déchets bio, cela réduit l’utilisation d’eau et l’émission de CO2. La deuxième manière de se procurer ces bestioles – réservée aux plus téméraires – est d’enfiler ses bottes, de se munir d’un filet et d’un sac et de prendre la direction de la forêt. Car oui, la récolte d’insectes sauvages est autorisée. “Sinon, vous pouvez en acheter dans les animaleries, les marchés pour animaux. Ils y vendent des insectes pour les mygales carnivores, par exemple. Il faut juste s’assurer qu’ils soient comestibles et qu’ils aient ingurgité des produits adaptés à la consommation humaine”, conclut Bruno Comby. Aujourd’hui, on compte des centaines d’espèces assimilables pour l’homme. Une fois dans le frigo, il ne reste plus qu’à les cuisiner et des idées de recettes il y en a : terrine de grillons, ragoût de sauterelles, suprême de larves, brochettes de criquets au barbecue ou encore crème pâtissière aux œufs de drosophile. Alors aux fourneaux !

Par Léa Lestage / Photo : Renaud Bouchez