EXCLUSIF

“Kanye West était un ultracréatif”

Rhonda Levy est l’une des toutes premières personnes à avoir découvert le Kanye West artiste touche-à-tout, capable de dessiner, peindre, chanter, designer. Il était à la Polaris School for Individual Education, elle était sa professeure préférée. Pour la première fois, Rhonda Levy raconte le Kanye West lycéen.
Quand Kanye West était premier de la classe.

Qui était le Kanye West que vous avez connu ?

Kanye a été mon élève pendant quatre ans. Je me rappelle l’avoir rencontré quand il était encore freshman (l’équivalent d’un élève de troisième, ndlr). Il était impatient de me montrer ses dessins et les cartoons qu’il s’amusait à faire. Je me souviens notamment de ce que j’appellerais un autoportrait non traditionnel, très symbolique, avec des références à son amour et son intérêt pour la musique. Et en sophomore, il a créé un remarquable tableau au crayon à papier représentant les luttes continuelles de l’homme noir au sein de la société américaine. Kanye a toujours ses dessins avec lui me semble-t-il.

Kanye West a souvent répété qu’il était un artiste depuis ses 5 ans. Vous vous en êtes rendu compte à l’époque ?

C’était un artiste visuel extrêmement talentueux pour quelqu’un de son âge. Il excellait à la fois dans la technique artistique pure, que ce soit pour le dessin, la peinture ou le design, et dans les questions conceptuelles. C’était un ultracréatif.

Ce n’est sans doute pas le seul élève talentueux que vous ayez connu pendant votre carrière. Est-ce que quelque chose le différenciait des autres ?

Bien sûr, j’ai connu énormément de gamins doués, et Kanye était l’un d’entre eux. Mais il avait quelque chose en plus, cette confiance en soi, ce dévouement : il passait l’essentiel de son temps libre pendant et après l’école à travailler sur sa musique, à devenir un artiste.

Quel type d’éducation transmettiez-vous à vos élèves ?

Je lui ai demandé s’il avait toujours du temps à consacrer à l’art en général, au-delà de sa musique, il m’a dit que oui
Rhonda Levy

Je pense qu’une des choses les plus importantes qu’un professeur d’art peut transmettre à ses élèves est de les aider à comprendre comment l’art rentre dans leur existence ; pourquoi l’art est une composante si importante de la société et de leurs vies ; de quelle manière l’art transforme le quotidien ; quel pouvoir ou contrôle l’artiste peut avoir sur le changement des opinions, des manières de penser ou même de la société. Avec Kanye, nous parlions beaucoup, essentiellement d’art et de musique. Je lui donnais des conseils, qu’il le demande ou non ! Nous nous entendions très bien, et j’ai toujours aimé l’avoir en classe autour de moi.

Kanye West était très proche de sa mère. Vous vous souvenez de “Miss West” ?

J’ai rencontré Mme West à plusieurs reprises, notamment lors des rencontres parents/professeurs. C’était une femme très gentille, extrêmement éduquée, et très concernée par le futur de son fils. Je pense qu’elle lui a donné les outils et les possibilités pour qu’il développe sa musique, elle comprenait son besoin d’essayer de réussir dans l’industrie musicale. Elle était son socle, son roc, son support moral pendant ses débuts et ses premiers succès, jusqu’à son décès…

Sa mort en novembre 2007 semble avoir plongé Kanye West dans une sévère dépression. Vous vous en souvenez comme d’un enfant heureux ?

Il semblait l’être, tout du moins en salle d’art plastique ou de musique. La quête de la perfection qu’il recherche aujourd’hui n’était pas un obstacle à l’époque, il était juste trop bon dans ce qu’il faisait.

Vous l’avez revu ?

Je suis resté en contact avec Kanye plusieurs années après le lycée. Il était alors inscrit en école d’art pendant un an, puis est entré à l’université, avant de tout lâcher pour poursuivre sa carrière musicale. La dernière fois que je l’ai vu, c’était avant un concert à Chicago, je lui ai demandé s’il avait toujours du temps à consacrer à l’art en général, au-delà de sa musique. Il m’a dit que oui, il m’a dit que l’art était tout pour lui. J’ai été très heureuse d’entendre cela.

Par Pierre Boisson et Raphaël Malkin, à Chicago