Pour connaître le parcours et les origines de DJ Pone, il faut scruter ses bras. Quelques dessins à l’encre noire y retracent les étapes importantes de sa vie. Il y a d’abord, en toutes lettres sur son biceps, “Meaux”, sa ville d’origine. Là où celui qui ne s’est longtemps appelé que Thomas Parent découvre le rap dans les années 80 : “Le hip-hop fait partie de mon quotidien depuis toujours, en musique comme pour le reste, notamment quand je faisais du graff. Mais c’est ce qui m’a aussi permis de découvrir plein de choses, en electro, en rock ou en punk, confie-t-il avec un grand sourire. Tu es fan des Beastie Boys, tu découvres que les mecs ont fait du punk avant, qu’ils adorent Dire Straits et les Bad Brains, et du coup, tu t’y mets aussi.” Il y a ensuite le nom de DJ Mehdi sur son bras droit, caché sous une manche : “Medhi faisait le pont entre electro et rap au début des années 2000. C’était un truc qui m’intéressait et que je suivais notamment avec les Birdy Nam Nam.” Un hommage à l’ex-producteur de la Mafia K’1 Fry et de 113, tragiquement décédé en 2011. Et il y a enfin le logo des Birdy Nam Nam sur son poignet droit. Le groupe, constitué de quatre DJ, affolait à l’époque la planète electro avec des lives sauvages, bien loin des origines hip-hop de Pone : “Avec Justice, Ed Banger et les autres, il se passait clairement un truc en France. Ça nous attirait vachement et on s’était vraiment plongés dedans. On avait besoin d’énergie, de rage, d’un truc qui explose notamment sur scène.” Il ajoute : “Ça fait parfois du bien de faire des choses complètement différentes.”
Vol de cassette et “baffe dans la tronche”
DJ, champion du monde DMC, graffeur, beatmaker, et maintenant musicien, Thomas Parent est de ceux qui n’ont jamais voulu s’enfermer dans une case. Lorsque les fans de rap français pensent qu’il va faire carrière dans le hip-hop au début des années 2000, il prouve le contraire avec le deuxième album des Birdy
Nam Nam, Manual for Successful Rioting, une bombe electro qui va affoler les festivals. On se dit alors que le rap s’arrête là pour Pone… qui retourne faire des morceaux pour Disiz, Deen Burbigo ou encore Greg Frite, tout en fondant parallèlement le groupe Sarh (avec José Reis Fontao du groupe Stuck in the Sound) dans lequel il s’essaye aux mélodies électroniques feutrées. Et la liste des collaborations inattendues est encore longue, Pone est un garçon qui ne se limite pas dans ses choix. “Je me souviens très bien d’un type que j’avais rencontré en vacances avec mes parents quand j’avais 11 ans. Il avait un grand frère rockeur, genre cheveux superlongs et veste en jean, et je lui avais piqué une cassette audio qui traînait. Dedans, il y avait du Guns N’ Roses, du Anthrax et du Run DMC, et j’avais pris une belle baffe dans la tronche aussi. Le rap fait partie de ma vie, mais il n’y a pas que ça”, s’amuse-t-il aujourd’hui. Superpoze, jeune musicien français qui a travaillé sur son album confirme : “Pone peut faire le DJ pour des rappeurs très connus, mais aussi aller en studio faire des choses beaucoup plus expérimentales. Il se fie à ses sens et se fiche de l’image des artistes.”
Du rap mais pas que
Malgré son hyperactivité, ses collaborations éclectiques et ses innombrables concerts, une ligne manquait au CV de Pone : un album à son nom. “J’ai voulu faire ce disque quand j’ai senti que j’étais prêt et je suis content d’avoir attendu, confie-t-il. C’était plus une question de technique, il fallait que je sois prêt à créer ma propre musique en studio.” D’abord avec un premier EP chez Ed Banger Records, Erratic Impulses, ensuite avec son projet Sarh, et enfin aujourd’hui avec Radiant. Ni vraiment hip-hop ni totalement électronique, c’est une sorte d’objet hybride, un mélange de toutes les musiques qui animent son auteur. Avec en
fond, une mélancolie certaine. “Peut-être que c’est parce que je vieillis, je me calme”, rit-il. La raison de cette douceur musicale se cache pourtant dans les affres de la vie de Thomas Parent et non de l’artiste Pone. “J’ai réalisé cet album pendant un passage très difficile de ma vie, ça m’a permis de penser à autre chose. Un peu comme une sorte de thérapie”, confie-t-il à demi-mots. Aussi, Pone aimerait que l’on comprenne qu’il a changé. Sans renier ses origines, il s’agace des gens qui lui demandent encore uniquement de scratcher aux platines comme il le faisait pour la Scred Connexion ou les Svinkels au début des années 2000. “Thomas Parent, aujourd’hui, il a 38 ans, plus 25. Je ne vais pas faire uniquement des scratchs sur des vinyles, j’ai d’autres envies.” Il a même précisément enlevé le “DJ” de son nom d’artiste sur son album pour éviter toute confusion. “Ma dernière compétition de DJ je l’ai faite en 2002, il y a quatorze ans. Pourquoi je devrais uniquement faire du rap ou des scratchs? C’est comme si on demandait à David Douillet de faire systématiquement un Uchi-Mata aux gens qu’il croise!”
C’est Superpoze qui l’a d’ailleurs aidé à prendre du recul sur sa musique. “Dès qu’on s’est rencontrés, je le voulais comme producteur. Il m’a amené des mélodies et de la douceur sur le disque, sinon j’allais faire des trucs durs ou trop sombres. Vu l’époque, tu as plus envie de faire des free hugs que la guerre”, explique Pone en souriant. Le jeune producteur confirme : “Il m’a demandé un album solaire, lumineux, et c’était quelque chose qui me plaisait. Il aime les mélodies, et je pense que c’est pour ça qu’il est venu me chercher.” En studio, pendant deux mois, Pone, 38 ans, et Superpoze, 22 ans, ont donc “mang[é] du Crunch, [bu] de l’Ice Tea et [se sont enfilé] des cafés” mais ont surtout travaillé, des journées et des journées entières. “C’était le vieux et le jeune, et on s’entendait superbien, sourit Pone. Je voulais sortir de ma zone de confort, bosser avec quelqu’un avec moins d’expérience.” En gardant en tête un seul et unique objectif que résume Superpoze : “Réaliser l’album de quelqu’un qui vient du rap, mais qui a beaucoup d’autres passions.”