ÉLECTIONS RÉGIONALES 2015

Nicolas Pereira (Nouvelle Donne) : “Rénover la démocratie, c’est rénover le personnel politique”

À 24 ans, il est chargé de conduire la liste de Nouvelle Donne, le parti présidé par Pierre Larrouturou, en Aquitaine-Limousin-Poitou Charentes. Nicolas Pereira est ce que l’on appelle dans le milieu politique un jeunot. À la veille du premier tour des régionales, il revient sur les raisons de son engagement et son costume de tête de liste.

Comment vous est venue votre conscience politique ?

Le point de départ est le même que nombre de personnes qui se sont engagées à Nouvelle Donne : cette impression que la politique n’avance plus, qu’elle est seulement l’affaire de quelques-uns, et que ces quelques personnes sont complètement déconnectées des réalités. Parfois, on se sent l’envie de sauter le pas et de militer politiquement pour changer les choses et redonner le pouvoir aux citoyens.

Pourquoi vous engager pour Nouvelle Donne ?

J’avais déjà une conscience politique avant, mais l’offre politique ne me convenait pas. Pour être franc, aux dernières élections européennes, je n’ai pas voté pour Nouvelle Donne mais pour une autre liste citoyenne dont je ne me souviens plus du nom. Je n’avais pas voté pour un grand parti et je commençais à me demander s’il ne serait pas plus efficace que les gens arrêtent de voter pour montrer aux politiques qu’ils ne sont plus légitimes. Et puis, après les européennes, je me suis renseigné un peu plus sur les listes, surtout les mouvements que je ne connaissais pas, j’ai lu les professions de foi et j’ai découvert Nouvelle Donne. Une démarche qui peut paraître un peu à l’envers, mais bon. J’ai assisté à une première réunion pour voir ce que ça donnait. Et cette première réunion m’a donné envie de me rendre à une deuxième.

La manière de Nouvelle Donne de désigner les listes, entre tirage au sort et jury citoyen, n’est pas très claire…

Il y a du hasard dans certaines listes départementales, du total hasard, mais pour

Que subventionnent les régions ? Généralement, l’innovation technologique parce qu’on considère que ça améliore le bien-être
Nicolas Pereira

la tête de liste régionale, on a quand même constitué un jury : pour diffuser les idées du mouvement, il valait mieux qu’une personne puisse convaincre un jury avant… Pour la désignation de la tête de liste régionale, c’est un jury d’adhérents qui a été constitué et qui a fait passer une audition aux candidats. J’ai été désigné pour en être le représentant. Dans les départements, ils ont choisi de faire des tirages au sort du premier jusqu’au dernier de la liste, parmi tous les adhérents – qui ont un droit de retrait. ‘Est-ce que tu veux être en tête de liste ?’ Si le premier dit non, on passe au deuxième, puis ainsi de suite. La tête de liste en Charentes-Maritimes, qui est une femme, elle était arrivée onzième dans le tirage au sort, mais tout le monde s’est désisté.

Et ce jury qui vous a désigné, il consiste en quoi ?

Comme tous les jurys, il a une grille de lecture avec des questions imposées qu’on ne connaît pas à l’avance. Il nous parle de notre engagement en dehors de Nouvelle Donne, notre engagement dans le tissu associatif, notre rapport à Nouvelle Donne, ce qu’on y a fait, nos motivations. Il évalue la capacité à parler, à expliquer le programme… Des critères qui semblent assez généraux, même si on n’a pas eu accès à la grille de notation.

Le jury citoyen, le tirage au sort… Il y a un petit côté Étienne Chouard dans votre manière de fonctionner.

Il était d’ailleurs venu à l’une de nos journées d’été, c’était en 2014. Il a proposé effectivement son système. Je ne suis pas tout à fait convaincu que ce soit très pertinent aujourd’hui dans sa globalité. Peut-être que ce le sera demain, mais aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Mais il y a des propositions qui sont bien partout, je ne suis pas sectaire. Les propositions d’Étienne Chouard, sur la nouvelle façon de pratiquer la politique, et notamment cette idée du tirage au sort, c’est intéressant. Ce n’est pas lui qui nous a inspirés, mais on est ravis qu’il puisse porter cette idée.

Le programme Nouvelle Donne, c’est rénover la démocratie. Qu’est-ce que cela veut dire et comment on applique ça à l’échelle régionale ?

‘Rénover la démocratie’, il y en a beaucoup qui le disent. On pense apporter un message nouveau, mais en fait il y a plein de gens qui disent qu’ils vont rénover la politique… Là où on diffère, c’est qu’on applique nos idées dans nos pratiques internes. On a trois propositions phares. La première, c’est le non-cumul strict des mandats. On est élu pour un mandat et pas pour cinq. On est élu une fois, on renouvelle une fois ce mandat et après, on laisse la main, parce que ça permet de diriger de nouvelles idées de la politique. Quand les gens sont là depuis trop longtemps, il y a une forme de routine qui s’installe. Rénover la démocratie, c’est rénover le personnel politique. Non pas parce qu’on veut absolument que les vieux s’en aillent, on ne fait pas du jeunisme absolu, mais il est important que de nouvelles personnes plus ‘fraîches’ puissent apporter de nouvelles idées. Ensuite, on propose aussi de mettre en place une rémunération des élus. L’indemnité des élus, elle est fixe. Elle sera de 2 600 euros et des poussières en Aquitaine. Et du coup, on considère que comme dans toute activité, la rémunération d’un élu implique sa participation active ou non aux travaux du Conseil régional. Dans une enquête de France Télé, on a vu des élus qui viennent pointer le matin, qui repartent et qui ne sont pas là l’après-midi. C’est extrêmement symbolique parce que ça discrédite absolument le système politique. Pour le rendre plus transparent, on souhaite que la rémunération des élus soit liée à leur absence au Conseil régional. Enfin, pour des grandes décisions en régions, on souhaite créer des jurys de citoyens tirés au sort pour qu’ils soient codécisionnaires avec les élus sur les grandes décisions. Parce que même si les élus les représentent, aujourd’hui avec ce premier parti de France qu’est l’abstention, ils ne sont représentatifs que de 25% de la population… Donc, il faut que les citoyens qui ne sont pas forcément politisés puissent être consultés.

Nouvelle Donne prône le partage du temps de travail. Mais à l’échelle régionale, c’est quand même difficilement applicable…

Justement, ce que l’on dit, c’est qu’il y a eu, à l’époque de De Robien, une expérimentation sur le partage du temps de travail : quatre jours par semaine, travail de 32h. Ça a marché chez Mamie Nova, ça a marché chez Fleury Michon. Donc ça veut dire que c’est possible. Pour le soutenir au niveau régional,

Sur les marchés, les personnes âgées commencent à me reconnaître, elles disent : ‘C’est bien qu’il y ait des jeunes parce qu’on en a marre de ces vieux cons’
Nicolas Pereira

on considère que la région a aujourd’hui des leviers d’action qui sont ceux de la subvention. Que subventionnent les régions ? Généralement, l’innovation technologique parce qu’on considère que ça améliore le bien-être. Donc, dans le même cadre, on considère que la région peut choisir de soutenir des entreprises lorsqu’elles mettent en place une nouvelle innovation organisationnelle. Quand elle met en place des méthodes nouvelles d’organisation du travail. Ça évite de détruire des emplois et ça améliore le bien-être des salariés, donc ça participe bien au bien-être commun. C’est le seul levier pour éventuellement appuyer le partage du temps de travail dans les entreprises. Mais on peut quand même aborder la création d’un fonds de soutien à la trésorerie des PME. C’est une adaptation du programme national, où l’on constate que 60 000 entreprises en moyenne meurent chaque année du manque de trésorerie, parce qu’elle ne sont pas payées en temps et en heure par leurs clients. On souhaite créer un fonds régional qui va venir soutenir les PME lorsqu’elles ont des retards de paiement : il avancera la trésorerie et ira lui-même récupérer l’argent auprès du mauvais payeur. C’est quelque chose de très pragmatique, mais ça permet de sauver des dizaines, voire des centaines d’emplois.

La moyenne d’âge des candidats aux régionales est de 50 ans, et vous en avez 24. Comment vivez-vous ce décalage ?

Ça ne pose vraiment pas de problème et même, il y a une position très bienveillante à l’égard des jeunes qui s’engagent en politique. Quand on va sur les marchés, les personnes âgées commencent à me reconnaître. Donc, ça veut dire qu’on a réussi à communiquer efficacement. Et elles ont un regard bienveillant, elles disent : ‘C’est bien qu’il y ait des jeunes parce qu’on en a marre de ces vieux cons.’ Elles utilisent directement le tutoiement aussi, c’est presque comme si j’étais leur fils ou leur petit-fils, c’est assez amusant comme relation. Enfin, les jeunes attirent les jeunes. Il y a beaucoup de jeunes qui nous ont contactés parce que, justement, pour eux, la politique, c’était ‘un truc de vieux’. Y voir un jeune, ça pousse les gens à se renseigner. Dans mon entourage direct, certains ne sont pas trop politisés mais ils valident mon engagement. Même une de mes amies qui n’était pas du tout politisée m’a demandé d’être sur la liste parce qu’elle avait envie de me soutenir. Mais j’évite de faire du prosélytisme à longueur de temps dans le privé.

Quand on doit faire le tour des télés régionales et des radios à 24 ans et qu’on n’est pas forcément formé à ça, on suit une préparation ?

Absolument pas. On n’a rien préparé. D’ailleurs, ça se sent. On fait comme on peut et on y va, juste avec l’envie de vouloir convaincre. C’est un exercice intéressant, on est quand même loin du militantisme quand on est à la radio et à la télé. L’avantage, c’est que le message est diffusé beaucoup plus largement. On a la capacité, grâce à ces médias qui sont vus ou entendus par des milliers ou des centaines de milliers de personnes, de délivrer un message, certes pas très long, mais qui peut attiser la curiosité des gens et leur permettre de revenir vers nous par la suite. Il y a beaucoup de gens sur Facebook ou sur les réseaux sociaux qui m’ont contacté après mes passages pour me dire que la démarche était intéressante.

Vous avez rencontré Bruno Gaccio ou Pierre Larrouturou ?

Oui, je les connais bien maintenant. Bruno Gaccio, je l’ai vu moins souvent pour le coup, j’ai eu l’occasion d’échanger trois fois avec lui. Ce fut assez succinct, sauf une fois où on a un peu plus approfondi. Tout le monde a son mot à dire en politique. Il apporte une vision qui est vraiment extérieure au système politique. Il le critique et il le dénonce tout le temps, et à juste titre. Je trouve qu’il apporte une façon neuve d’analyser les choses. C’est beaucoup plus simple à comprendre parce qu’il n’y a pas de discours politique à proprement parler. Il fait un travail formidable ‘d’éducation populaire’ autour de la politique. Même si son nom est associé aux Guignols, je pense qu’il n’est pas connu par la majorité des français.

Par Marc Hervez