
Enroulé depuis trop longtemps, le store rouge du bar Les Terrasses s’apprête, ce 11 mai 2021, à couvrir à nouveau d’ombre les parties de belote, les cafés du matin et les pastis de fin de journée qui rythment la vie du village des Plantiers, dans les Cévennes. Les restrictions sanitaires vont bientôt être assouplies -le lever de rideau national est prévu le mercredi 19 mai, et on espère que dans la foulée, les touristes arriveront. Il est environ 7h30 quand Valentin Marcone sort de chez lui pour se rendre à la scierie Teissonnière, où il est employé depuis bientôt trois ans. Avant de partir, alors que sa femme, Blandine, vient de rentrer de sa nuit de garde en Ehpad, il attrape un jouet, celui qui calme les pleurs de sa fille I., née un an plus tôt, le lui tend, puis ferme la porte et monte dans sa voiture. En passant devant le bar fermé, il salue Bernard Mounier, le maire du village. C’est une journée ordinaire qui débute aux Plantiers. À la scierie, Valentin Marcone rejoint Martial, 32 ans, et Vincent, 19 ans. Leur patron, Luc Teissonnière, est là depuis 6h30, affairé dans l’atelier. En attendant ses salariés, il passe l’aspirateur. La radio est allumée, le beurre des croissants encore chauds tache le bois du bureau. Valentin prend son poste à proximité de la ligne de sciage et s’apprête à lubrifier la scie quand Luc, accompagné de ses deux autres employés, l’interpelle: “La moindre des choses le matin, c’est de se dire bonjour.” La réponse fuse: “Ferme ta gueule, je t’ai dit bonjour ce matin.” Martial, l’un des employés, intervient: “T’as un pète au casque, toi, t’as un sérieux problème.” D’un bond, Valentin Marcone enjambe la machine qui le sépare de ses collègues et lance: “Vous aussi, fermez vos gueules.”