
Sur les étagères de son club de plongée, à Saïda, encombrées de bouteilles d’oxygène, de masques de plongée et d’autres archives de la mer dans lesquelles il semble être le seul à pouvoir se retrouver, Mohamed Sarji saisit un Nikonos V, un des appareils pionniers de la photographie sous-marine. Ce fut l’un de ses premiers achats, à son retour au Liban à la fin de la guerre civile, dans les années 1990, après 18 ans d’exil en Californie. “J’ai été le premier ici à investir dans du matériel vidéo pour documenter les fonds marins, explique-t-il. Personne n’avait jamais fait ça.” La mer a toujours été le centre de sa vie, depuis ses premiers pas. Tour à tour pêcheur, militant Greenpeace, président du syndicat des plongeurs professionnels du Liban, Mohamed Sarji raconte qu’enfant, “dans ce pays où tout le monde se fout de la mer”, il passait son temps à “fuguer pour aller nager”. Mais aurait-il imaginé un jour faire une telle trouvaille? À l’été 1997, après des mois à explorer, documenter et cartographier les profondeurs marines de sa région grâce à son appareil photo, il localise plusieurs sources hydrothermales. “La découverte la plus folle de ma vie, retrace-t-il avec une maîtrise du storytelling à l’américaine et un certain goût méditerranéen pour l’emphase. Ça nous a menés ensuite à trouver plusieurs villes englouties sous l’eau.” Il avait alors 40 ans. Il en a 68 aujourd’hui.