
Depuis le milieu de la matinée, la file d’une cinquantaine de tracteurs bloque complètement l’autoroute A92 qui relie Séville à Malaga. En surplomb, les agriculteurs habillés de gilet jaune scrutent sur leur téléphone l’effet médiatique de leur blocage. Sans surprise, tous les médias espagnols ont embrayé sur ces “tractoradas sorpresas ”, un terme que l’on peut traduire par “tractorades surprises” et qui touche toutes les régions agricoles de la péninsule par effet domino. La semaine précédente, c’était la France, la Belgique, l’Italie et l’Allemagne. C’est donc au tour de l’Espagne et de La Roda de Andalucia, petite ville d’Andalousie choisie comme lieu de rassemblement des agriculteurs en colère de la province de Séville. L’ambiance n’est ni à la prise de préfecture ni au siège de la capitale. Les quelques membres de la Guardia Civil sont détendus et se font discrets. À croire qu’ils ont reçu les mêmes consignes de désescalade que leurs collègues français de la gendarmerie. À leurs côtés, Francisco Martin et Jacinto Marin, la soixantaine, déballent la liste de leurs doléances: trop de bureaucratie, trop de papiers à signer, trop de produits phytosanitaires à acheter, le prix du gasoil qui ne cesse de grimper. À l’arrivée, le sentiment général de courber l’échine sous le cagnard pour des revenus de plus en plus fragiles et des normes à respecter de plus en plus lourdes. Une grogne qui s’exprime avec les mêmes mots que partout ailleurs en Europe sauf que là, au cœur de la plus grande région de production oléicole du monde, vient s’ajouter une autre source d’angoisse: le vol d’olives.