
Accroupi devant le mémorial aux morts de la place Maïdan, un colosse en tenue militaire trace des noms au marqueur bleu ciel sur le trottoir. “Jam” –nom de guerre gagné après quelques vols de nuit dans le garde-manger de sa brigade– revient de Donetsk, où il a été blessé pour la seconde fois depuis le début de la guerre. Calme, le machine-gunner liste quelques-uns de ses “frères d’armes” tombés au combat et plante un petit drapeau ukrainien sur la pelouse couverte de milliers d’entre eux. “En hommage à un ami”, glisse-t-il souriant mais un peu agacé par un type excité en t-shirt “TRUMP 2026” qui gesticule derrière. “Vous voyez tous ces morts? Trump va arrêter ça s’il est élu!” prophétise l’homme en se filmant devant le mémorial et ses milliers de disparus, alors que les électeurs américains sont en train de se rendre aux urnes en ce mardi 5 novembre. “Il a l’air un peu dingue et il ne sait pas ce que cet endroit représente”, tolère Jam, malgré tout assez inquiet de la possibilité du retour au pouvoir de “l’ami de Poutine”. Juste à côté, Sabrina, le regard perdu, ne semble pas voir le supporter fou. “On a d’autres trucs auxquels penser, on ne sait rien de cette élection”, écarte la jeune femme, venue saluer le petit fanion jaune et bleu déposé un an plus tôt pour son père, probablement tué par un sniper mais dont le corps n’a jamais pu être récupéré. “Il paraît que les citoyens des États-Unis peuvent choisir quelque chose de meilleur pour l’Ukraine, suppose Diana, sa belle-mère. Si c’est vrai, tant mieux. Mais nous, on a assez de problèmes à gérer pour s’intéresser à ça.”