Hygiène

C’est du propre

Ils ont décidé de moins se laver, ou différemment, fuient les shampoings et ont arrêté d'utiliser toute forme de savon, mais assurent disposer d'une hygiène parfaite et sont persuadés qu'ils sont sur le vrai chemin de la propreté. Bienvenue dans le monde du "No-poo".

À l’origine, ce ne devait être qu’une expérience sans lendemain. Prenant son courage à deux mains, Corinne s’était engagée à ne pas se laver pendant un mois. Juste pour essayer. Un an après, cette blogueuse belge de 38 ans, conquise par son test, n’a toujours pas retouché à un gel douche. “En fait, je n’ai pas vraiment arrêté de me laver, je prends toujours une douche par jour. Mais je n’utilise plus de produits nettoyants. Je ne me sers que d’eau tiède et de poudre de rassoul, une argile venant du Maroc, qui possède un fort pouvoir absorbant”, explique-t-elle. Un soin miracle, selon son témoignage. Avec le rassoul, Corinne dépense moins de cinq euros par mois pour rester propre. Sans le moindre effet négatif. Surprenant. “En Europe, on a toujours connu le savon, on a été éduqués dans la philosophie selon laquelle ‘la mousse lave’, estime la Belge. Mais on ne nous a jamais proposé autre chose. Et pourtant… Il faut montrer qu’il y a des alternatives plus saines pour la santé, la peau et la planète. On n’a pas besoin d’un produit moussant qui vient du commerce pour être propre. Ni de surconsommer.

Comme elle, nombreux sont les curieux à adopter une façon alternative de se laver. Loin de considérer l’hygiène comme quelque chose de secondaire, ils affirment que les produits trouvés dans les commerces occidentaux ne sont pas les plus adaptés pour satisfaire la peau et les cheveux. Et qu’il n’y aurait finalement besoin de pas grand-chose pour ne pas être sale. Certaines publications scientifiques, démontrant qu’une partie de la population se laverait trop et que la société actuelle impose une chasse aux bactéries exagérée, ne leur donnent d’ailleurs pas tort.

“C’est sûr qu’ils ne sentent pas le parfum… En fait, ils ne sentent tout simplement rien, même au bout de trois ou quatre jours sans poudre”

“La première motivation, c’est de revenir à des choses beaucoup plus naturelles. Ensuite, je crois qu’il y a une recherche inconsciente du milieu adapté pour nos cheveux, pose Marcel Salvador, expert capillaire, qui possède son propre institut spécialisé à Montpellier. Je m’explique : la majorité des shampoings ‘classiques’ disposent d’un pH alcalin (basique, ndr), alors que le cheveu réclame un pH acide pour rester en bon état et briller davantage. Donc oui, chercher des alternatives peut être une bonne solution. Une bonne démarche intellectuelle, en tout cas ! Même si je préconise de prendre des produits du commerce de haute qualité au pH acide, qui s’adaptent bien au cuir chevelu. Autrement dit, une petite partie des produits de grande surface restent largement capables de faire le boulot. À condition de savoir les choisir. “On est dans une société de consommation, et les industries n’ont évidemment pas intérêt à proposer des études qui ne vont pas dans leur sens, dénonce calmement Corinne. Ils omettent de nous fournir certaines informations. Ne parlons même pas des lobbies cosmétiques qui achètent les brevets et des droits sur certaines études.

Ne pique pas les yeux, abîme les cheveux

“Les shampoings du commerce sont en fait assez mauvais, et on entre dans un cercle vicieux quand on les utilise, croit même savoir Blandine, qui ne met plus que de la poudre sur sa tignasse brune. Plus ils nous agressent, plus on les réutilise, plus on a les cheveux qui graissent rapidement, plus le cuir chevelu est irrité. Quand j’ai commencé à réfléchir sur le sujet, je me suis rendu compte que je lavais finalement très peu les si beaux cheveux de mes enfants. Argument valable, répond le professeur Salvador : “Beaucoup de shampoings ne sont pas idéalement faits pour nos cheveux. Par exemple, certaines marques ont privilégié d’adapter le produit à l’œil, afin qu’il ne ‘pique’ pas les yeux du bébé et que celui-ci ne pleure plus, au lieu de se concentrer sur l’effet sur le cheveu. À partir de ce moment-là, tout le monde est passé d’un shampoing au pH acide à un shampoing à la solution alcaline. Mauvaise idée.” Depuis qu’elle a adopté le “No-poo”, nom de la tendance apparue ces dernières années et qui consiste à arrêter de se shampouiner, cette maman de trois enfants assure que l’état de ses cheveux s’est nettement amélioré. Et l’odeur, alors ? “C’est sûr qu’ils ne sentent pas le parfum… En fait, ils ne sentent tout simplement rien, même au bout de trois ou quatre jours sans poudre.” Idem pour Alice, qui a balancé ses shampoings à la poubelle en novembre 2016 “pour des raisons écologiques, économiques et pour savoir ce qu’[elle] mettait sur [s]on corps”.

“La majorité des shampoings ‘classiques’ disposent d’un pH alcalin, alors que le cheveu réclame un pH acide pour rester en bon état et briller davantage”
Marcel Salvador, expert capillaire

Désormais, son crâne n’accueille qu’une mixture étrange élaborée à base de fécule de tapioca et de bicarbonate alimentaire. Ses autres secrets ? “Je me brosse beaucoup les cheveux avec une brosse en poils de sanglier. Et en me mettant au No-poo, j’ai aussi découvert le ‘No-soap’.” Autrement dit, Alice ne se lave qu’à l’eau, une seule fois par semaine, et n’utilise ni savon pour le corps ni déodorant. “Je ne sens pas mauvais ! se défend-elle face aux moues que ses habitudes peuvent susciter. Je demande souvent à mon copain. Disons que je sens l’humain, je ne sens pas le produit chimique, quoi. En réalité, je ne l’ai dit qu’à très peu de gens et personne ne s’en est rendu compte. Et puis, moins j’utilise de savon, moins je transpire ! Un argument qui reste à confirmer, mais qui est partagé par Corinne : “La première semaine sans déodorant ni savon est difficile niveau odeur, je l’avoue… Mais après, ça se stabilise, et l’odeur devient neutre. Comme si l’on avait évacué toutes les toxines et que le corps n’avait plus besoin d’excréter une sueur acide et odorante.” De quoi convaincre un paquet de personnes dans les années à venir et s’inscrire dans un mouvement plus général. “Ces tendances sont en vogue, assure Blandine. Les gens se posent de plus en plus de questions sur ce qu’ils consomment, que ce soit dans l’alimentaire ou l’hygiène, et certains changent petit à petit leurs habitudes en passant par des alternatives plus saines.”

Par Florian Cadu