JO D'HIVER 2018

Étoiles des neiges

Certains étaient juste venus pour participer, d'autres se sont ramassés en beauté ou, au contraire, ont touché de l'or sur un malentendu. Mais ils ont tous en commun d'avoir été des héros inattendus des Jeux olympiques d'hiver dont la 23ème édition a commencé aujourd'hui, à Pyeongchang, Corée du Sud.
Le dernier sera le premier.

1988, Calgary – Équipe de Jamaïque de bobsleigh

Le bobsleigh est une discipline où les Allemands et les Suisses-Allemands gagnent souvent à la fin. Mais à Calgary, une équipe leur vole la vedette. Normal, quatre Jamaïcains qui descendent une piste glacée dans une grosse luge, ça change. L’aventure se termine sur le toit lors la troisième manche. Dans Rasta Rocket, qui raconte leur histoire, le quatuor porte son “bob” jusqu’à l’arrivée, une des nombreuses entorses à la vérité du film. Ainsi, l’équipage n’est pas composé de sprinteurs recalés aux JO d’été mais de militaires. Oui, mais ça collait moins bien avec la BO de Jimmy Cliff.

 

1988, Calgary – Michael Edwards (Grande-Bretagne), saut à ski

Les Britanniques ont inventé beaucoup de sports, mais pas le saut à ski. Une aubaine pour Michael Edwards. Parce qu’il veut participer à tout prix aux JO, ce skieur raté (plombier dans le civil) tente sa chance dans une discipline où la concurrence locale n’existe pas. Et tant pis s’il est myope et trop bien portant. Le Britannique réalise son rêve à Calgary. Edwards termine très bon dernier au tremplin de 70 puis de 90 mètres. “Avec moi, il y avait toujours une chance que mon prochain saut soit le dernier”, ironise celui dont l’histoire donnera un improbable biopic Eddie The Eagle, dans lequel on voit Hugh Jackman, son coach fictif, sauter en veste à jean et avec une clope au bec.

 

1992, Albertville – Fabrice Becker (France), ballet artistique

Aux Jeux olympiques, il y a les disciplines au programme officiel et celles dites “d’exhibition”, que l’on teste pour voir ou faire plaisir au pays organisateur. À Albertville, Fabrice Becker devient ainsi champion olympique de ballet artistique, ou acroski. Sur un air de tango argentin, le Français enchaîne les triples boucles piqués et les arabesques, mais avec des skis aux pieds. Malheureusement, sa discipline disparaîtra du programme dès 1994. “Le CIO ne voulait pas d’un patinage bis, avec sa subjectivité, ses travers”, regrette celui dont la prestation olympique lui permettra d’être repéré par le Cirque du Soleil, où il exerce depuis ses talents.

 

1998, Nagano – Philip Boit (Kenya), ski de fond

Le ski de fond est une discipline qui demande une grosse endurance. Comme celle des coureurs kenyans, par exemple. Partant de ce postulat, Nike envoie Philip Boit, spécialiste du cross, en Finlande pour préparer les Jeux de Nagano. Mais le Kenyan a peut-être la caisse, rien ne remplace le fait d’être né sur des skis comme un Norvégien. Dernier du 10 km, Boit est attendu par le vainqueur de l’épreuve, le légendaire Bjorn Dælhie, pour une belle accolade. Une image pour faire plaisir à l’esprit du baron Coubertin ? Peut-être, mais aussi le début d’une belle amitié. Boit a même appelé son fils aîné Dæhlie, en hommage à l’octuple champion olympique.

 

2002, Salt Lake City – Steven Bradbury (Australie), short-track

La vie et le short-track n’ont pas toujours souri à Steven Bradbury. L’Australien s’est brisé le cou et a même eu sa jambe tranchée par la lame d’un rival. Mais sur la patinoire de Salt Lake City, ce 16 février 2002, rien ne peut lui arriver. Repêché en quart de final du 1000 mètres, il profite d’une chute au tour suivant. Lucide, Steven comprend qu’il n’est pas le plus rapide et décide de patiner à quelques mètres des quatre autres finalistes, au cas où… Et le miracle arrive dans le dernier virage. Incrédule, Bradbury souffle la victoire à l’Américain Apolo Ohno, qui trébuche en se relevant. “Je ne savais pas si je devais me cacher dans un coin ou célébrer ma victoire”, avoue celui dont la victoire donnera naissance à l’expression “faire une Bradbury” dans son pays.

 

2002, Salut Lake City – Marie-Reine Le Gougne (France), patinage artistique

“J’étais la personne la plus recherchée de Salt Lake City. Un torchon m’a même qualifiée de ‘Ben Laden du patinage’.” Mais quel “crime” a donc commis Marie-Reine Le Gougne ? Malgré une faute à la réception d’un saut, la juge française place les Russes en tête au détriment des Canadiens dans l’épreuve du couple sur glace. Avant de se rétracter, elle avoue avoir agi sur ordre de Didier Gailhaguet, président de la fédération française, afin de favoriser les chances du duo Anissina-Peizerat en danse. Un petit arrangement franco-russe (où plane l’ombre du dénommé Alimzhan Tokhtakhounov, mafieux russe proche de Marina Anissina) qui vaudra à l’Alsacienne le surnom de “The French Judge”. Un très bon titre de biopic.

The French Judge.
The French Judge.

2010, Vancouver. Marion Rolland (France), descente

La vidéo débute par la voix d’Alexandre Boyon : “Allez Marion, les espoirs de la descente française reposent sur ses épaules, qu’elle a solides… Ah ben non, non.” Une faute de carre à la poussée, Boyon s’étrangle, et Rolland termine sa descente dans la poudreuse de Vancouver après trois secondes de course. La skieuse, tombée en martyr du web, y laisse même un ligament croisé. À son retour au pays, un brancardier lui lance même : “Vous avez fait rire toute la France !” Trois ans plus tard, elle la fera vibrer avec un titre de championne du monde. Mental.

Par Alexandre Pedro