POLITIQUE

Hillary et les maudits des primaires

Depuis dimanche, Hillary Rodham Clinton est candidate à l’investiture démocrate. Une simple formalité à régler sur la route vers la Maison-Blanche. A priori. Selon un récent sondage CBS, 81% des sympathisants démocrates sont prêts à voter pour elle. Sauf que celui qui arrive en favori aux primaires n’en sort pas toujours candidat. Une règle qui vaut autant pour les démocrates que pour les républicains et que connaît trop bien Hillary depuis son échec de 2008 face à un sénateur presque inconnu débarqué de l’Illinois, Barack Obama. Elle n’est pas la seule.
Hillary Clinton en couverture de Time Magazine en 2014. Crédit photo : Mike Mozart

Nelson Rockefeller, l’éternel candidat

NELSON ROCKEFELLER

L’argent a toujours été le nerf de la guerre lors des campagnes présidentielles aux États-Unis. Comme son nom l’indique, Nelson Rockefeller n’a, lui, jamais eu trop besoin de courir derrière avec un grand-père magnat du pétrole et un papa milliardaire. L’aîné de la troisième génération des Rockefeller cherche à parachever l’ascension de la famille en accédant à la fonction suprême. S’il a travaillé pour les présidents démocrates Roosevelt et Truman, il roule pour les républicains. Mais un républicain de la côte Est, libéral et amateur d’art (il a fondé le MoMA à New-York). Battu une première fois aux primaires par le vice-président sortant Richard Nixon en 1960, il apparaît comme imbattable quatre ans plus tard. Mais Nelson a la mauvaise idée de divorcer peu de temps avant pour se remarier dans la foulée avec une de ses collaboratrices, Happy Murphy, elle-même fraîchement séparée. La presse conservatrice le traite de briseur de ménage, le grand-père Bush, Prescott, remet en cause sa moralité et il est finalement battu par le très réac Barry Goldwater. Rockefeller a laissé passer sa chance. En 1968, il ne pèse pas lourd face au revenant Dick Nixon. Il va pourtant finir par trouver le chemin de la Maison-Blanche. En 1974, il devient le vice-président de Gerald Ford, propulsé dans le bureau ovale après la démission de Nixon. Prêt à repartir au combat pour l’élection de 1976, il choisit finalement de faire équipe avec Ford comme numéro 2 avec une nouvelle défaite à la clé. Ne cherchez pas plus loin le chat noir.

Gary Hart, cœur brisé

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Hillary Clinton disposerait d’un trésor de guerre d’un milliard de dollars pour cette campagne. Une somme qui choque certains. Comme Gary Hart interrogé par le site Politico le 6 avril dernier. “Lever de tels fonds de campagne en pleine crise financière relève de l’indécence, qui choquera les Américains.” Et quand il s’agit de savoir ce qui choque les Américains, Hart en connaît un rayon. Candidat déjà malheureux en 1984, le démocrate annonce sa candidature le 13 avril 1987 chez lui, dans le Colorado, avec sa femme Oletha, sous la neige. Hart s’impose très vite comme le favori à l’investiture. Mais l’ancien sénateur a une réputation de séducteur. Les journalistes le savent et campent devant son domicile à Washington. Et la pêche va être bonne. Le Miami Herald publie des photos de Hart avec Donna Rice, actrice de 29 ans. Donna a beau dire les préférer plus jeune et Gary rester droit dans ses bottes, le mal est fait. “Laissons les gens décider”, lance Hart. Avec moins de 5% des voix lors du Super Sunday, les Américains ont décidé pour lui. Spécialiste des questions de sécurité, il préviendra la secrétaire d’État, Condoleezza Rice, du risque imminent d’une attaque terroriste de grande ampleur sur le sol américain le… 6 septembre 2001. Gary et les femmes, une histoire compliquée.

Jerry Brown, jamais deux sans trois

RB Budget

En 1992, la primaire démocrate s’annonce comme l’une des plus ouvertes. Après le fiasco de la candidature Dukakis quatre ans plus tôt, le parti ne sait pas à qui se donner. Tom Harkin ? Paul Tsongas ? Bill Clinton ? Personne ne se dégage. Clinton paraît grillé à la suite de la révélation de sa relation extra-conjugale avec Gennifer Flowers. Vieux routier de la politique, Jerry Brown pense son heure arrivée quand il enlève le Connecticut et le Colorado. Déjà battu en 1976 et 1980, le gouverneur de Californie incarne l’aile gauche du parti et annonce que le révérend Jess Jackson sera son colistier. Mauvaise idée. Certains n’avaient pas oublié ses propos désobligeants envers la communauté juive lors de la campagne de 1984. Plombé par Jackson, Brown perd New York, puis la Californie où il avait tout misé au profit de Bill Clinton qui gagne le surnom de “comeback kid”. Comme quoi, même aux États-Unis, on n’est jamais tout à fait mort en politique.

Howard Dean, pris dans la toile

Howard Dean

Il y a des perdants qui marquent l’histoire, Howard Dean en fait partie. Gouverneur inconnu du Vermont, il se lance dans la course aux primaires démocrates avec 160 000 dollars en 2003. “Une misère selon les critères américains”, admet-il. Ce médecin de profession va pourtant créer la surprise et caracoler en tête des sondages. Son secret ? Tout miser sur Internet, média encore émergent à l’époque. La plateforme Meetup lui permet de créer des comités de soutien sans effort et rapidement. Premier candidat 2.0 de l’histoire, Dean remporte les primaires “virtuelles” organisées en juin 2003 par le site MoveOn.org. Mais la réalité va vite se rappeler à lui. Devenu l’espoir de la gauche du parti, Dean brille moins sur les estrades. Comme lors de ce meeting dans l’Iowa où, emporté par l’euphorie, il laisse échapper un cri primal franchement inquiétant. La hype Dean dégonfle très vite. Certains membres de son équipe de campagne partiront fonder Blue State Digital, qui aidera quatre ans plus tard à la web-crédibilité d’un jeune sénateur de l’Illinois, un certain Barack Obama.

Rudolph Giuliani, le lièvre de New York

Rudy Giuliani

Depuis 1972, la route de la Maison-Blanche débute par le caucus de l’Iowa. Ce petit État rural ruine ou conforte les ambitions des candidats. Favori dans le clan républicain, Rudolph Giuliani n’a pas envie de salir ses chaussures de ville pendant des semaines. Après tout, il est depuis le 11 septembre 2001 “le maire des États-Unis” et bénéficie d’une popularité d’enfer chez les indécis, et même dans le clan démocrate. Il faut dire que Giuliani n’est pas un républicain comme les autres. S’il a nettoyé New York au Kärcher, l’ancien maire défend le droit à l’avortement, la régulation des armes et affiche déjà trois divorces. Convaincu que ces ploucs de l’Iowa ou du New Hampshire sont trop conservateurs par rapport à ses positions, le New-Yorkais mise tout sur la Floride et pense voir ses petits camarades s’épuiser avant. Tout faux. Les tortues Mitt Romney et John McCain prennent une avance suffisante. Giuliani n’arrivera jamais à se mettre dans le rythme de la campagne. Il récolte seulement 15% des votes en Floride et préfère rallier le camp de McCain. “C’était la plus mauvaise campagne de ce millénaire, voire du millénaire précédent”, résumera CNN. Pas loin.

Par Alexandre Pedro