Ne pas s’intéresser seulement aux étapes de montagne
Il n’existe rien de pire pour un fan de cyclisme que d’entendre les potes, le beau-père ou la collègue de boulot lui demander : “Alors, c’est quand la première étape de montagne?” Comme si une Coupe du Monde n’avait un intérêt qu’à partir des demi-finales. Le Tour n’est pas qu’une histoire de grimpette et de spectateurs en combo moule-burnes-bob qui courent à côté des cyclistes dans le Tourmalet ou l’Alpe d’Huez. Alors, oui, certaines étapes de plaine peuvent inviter à une sorte de contemplation, mais la montagne accouche parfois (souvent, même, ces dernières années) de souris avec des scénarios prévisibles. Pour de l’épique, du spectacle, il faut voir ailleurs. Qui peut dire qu’il s’est ennuyé lors de l’étape des pavés l’an dernier ? Une folie aquatique où Vincenzo Nibali forgeait sa victoire finale. Le Tour, c’est aussi du vent, des chutes, des sprints furieux, des coups de bordure et de l’inattendu qui surgit en pleine sieste.
Apprendre à goûter l’ennui
Parce que, oui, le vélo est un sport anachronique. À l’ère du zapping et des déficits d’attention, il impose son temps long, très long parfois. Il donne l’impression que rien ne se passe et parfois, effectivement, il ne se passe rien. Le Tour est l’éloge de l’ennui. On sait tous que cette échappée est condamnée (sauf Thierry Adam, bien sûr), on devine que la Sky va se mettre à rouler à tel kilomètre et que Chris Froome va attaquer ensuite le nez collé sur son capteur de puissance. Et puis, sans prévenir, le scénario dévie. Thomas Voeckler manque de gagner le Tour, Lance Armstrong traverse un champ, Miguel Indurain s’effondre dans la montée des Arcs pendant que Luc Leblanc s’envole sur grand plateau, Pedro Delgado arrive en retard à un prologue ou un chien renverse Sandy Casar… Rester sur le qui-vive. Toujours.
Arrêter le french bashing
La dernière fois qu’un Français a gagné le Tour, Laurent Fabius était un jeune et déjà chauve Premier ministre, Coluche et Le Luron se mariaient pour de faux et le Rainbow Warrior coulait. Depuis la dernière victoire de Bernard Hinault, la France a vu des Espagnols, des Italiens, des Anglais, un Allemand et même un Australien parader en jaune sur les Champs-Élysées. Trop mauvais, pas assez entraîné ou dopé, le cycliste français était condamné à un rôle de figurant avec pour seul horizon la petite victoire d’étape les jours de relâche pour les favoris. On se moquait des ambitions contrariées d’un Chavanel ou de la résignation assumée d’un Moncoutié planqué en queue de peloton. Mais l’espoir est revenu. Une génération décomplexée a pris le pouvoir. Péraud l’ingénieur vététiste a été le dauphin de Nibali l’an dernier juste devant Pinot, le grimpeur qui vit encore chez papa-maman. Pinot, mais aussi Bardet, le premier de classe, ou le trio Bouhanni/Démare/Coquard pour rivaliser avec les grosses cuisses sur les sprints, les Français ne sont plus seulement là pour participer et animer les échappées de début d’étape. Un peu de patriotisme alors, bordel!
Ne pas tout ramener au dopage
Oui, le cyclisme a connu quelques problèmes avec le dopage par le passé. Trois fois rien. Un Américain survivant du cancer a gagné sept fois le Tour sans respirer dans les cols, un Danois ancien petit équipier s’est découvert leader la trentaine passée et s’est foutu de la gueule de ses adversaires dans la montée de Hautacam, un Espagnol a été déclassé pour son amour de la viande de bœuf au clenbutérol. Armstrong, Riis, Contador… Depuis 20 ans, le maillot jaune à Paris ne figure pas forcément dans le palmarès des vainqueurs. Avec l’affaire Festina en 98, le cyclisme est presque devenu un synonyme de dopage. Et c’est vrai que les mecs avaient un peu forcé, à l’image du sulfureux Docteur Ferrari (incarné par Guillaume Canet dans le biopic consacré à Lance Armstrong) qui expliquait que “prendre de l’EPO n’était pas plus dangereux que boire dix litres de jus d’orange”. Pas facile de croire aux performances des champions depuis. Mais à la différence d’autres sports, le cyclisme a au moins eu le mérite de s’être attaqué au problème. Alors, on pourrait essayer de ne pas résumer toutes les performances à une éventuelle aide pharmaceutique.
Choisir la bonne chaîne
Le reste de l’année, le cyclisme est une affaire de spécialiste. Presque une secte avec des adeptes qui vous parlent de la révélation belge du dernier Gand-Wevelgem ou d’un grimpeur russe de la Katusha. Mais quand juillet arrive, le vélo redevient un sport populaire et disponible sans abonnement. Alors une question se pose: France 2 ou Eurosport ? Si on peut remercier France TV pour la qualité de sa réalisation (bien supérieure à celle du Tour d’Italie ou d’Espagne), il faut aussi être motivé pour supporter les élans patriotiques d’un Thierry Adam lecteur compulsif de fiches Wikipédia ou les happenings d’un Gérard Holtz qui, un jour, tenta l’interview d’un âne. Cette année, Jean-Paul Ollivier a laissé sa place à Éric Fottorino (ancien directeur du Monde) pour commenter les vues aériennes des ruines cathares et des abbayes cisterciennes. Si ce côté Des racines et des ailes vous fatigue et que vous êtes capables de citer de tête tous les coureurs de l’équipe Lampre, on vous conseille de vous abonner à Eurosport. Bien sûr, il faudra supporter les coupures pubs et s’amuser du sens tactique de Richard Virenque –digne de celui d’un militaire français en 40– mais il ne sera question que de cyclisme et rien que de cyclisme. Et puis Jacky Durand est sans doute l’un des meilleurs consultants, tous sports confondus.
Retrouvez le génial PÉDALE! #5 en kiosque