RÉVEILLON

Dernière danse

“Cette année, c'est décidé, je fais rien”, "Oh, ça sera un petit truc intimiste”, “J'ai rien de prévu, on verra bien, les soirées non organisées sont toujours les meilleures”. Tous les ans, lorsque la Saint-Sylvestre approche, les mêmes refrains. Et toujours les mêmes soirées. Pour éviter de perdre du temps, voici le guide ultime des réveillons. Et "à l'année prochaine", bien sûr.

LE RÉVEILLON DANS UN HANGAR

La fête pour toi, c’est bondé, bruyant, et surtout ça ne se finit pas en ménage. Alors tu as choisi d’arpenter ce genre de surboum berlinoise organisée dans une salle de concert qui sent la sueur et la bière chaude et animée par un DJ de chez Oüi FM, à la recherche d’une proie pas trop sobre. Car autant être honnête : tu n’y vas pas pour écouter Get Lucky.

Spoiler : quelqu’un va vomir sur tes chaussures. Et ce sera peut-être ta target.

Les ennemis à éviter : ce groupe d’Anglais que tu trouves hypersympa à 20h et qui va en réalité enchaîner les hommages à Harvey Weinstein d’ici minuit.

Ce que ça va te coûter : une trentaine d’euros (et des nouvelles chaussures).

Le bon côté de la chose : du bon son pop-rock.

À quelle heure partir : en théorie, 19h. Après, c’est de toute façon trop tard.

 

LE RÉVEILLON AU CHALET

“Et si on s’enfermait tous dans une grosse cabane en bois coupée du monde par une neige hostile et un froid létal ?” a proposé ce(tte) pote qui bientôt n’en sera plus un(e). Banco ! Te voilà promis(e) à passer la soirée en chaussettes qui grattent, coincé(e) entre un appareil à raclette en surchauffe et une bouteille de mauvais vin jaune, dans un huis clos montagnard dont on sait comment la plupart finissent (sauf une fois).

Spoiler : la soirée a de grandes chances d’être mortelle.

L’ennemi(e) à éviter : le(a) futur(e) meurtrier(e) –un indice pour le(a) reconnaître : c’est un(e) voisin(e) sans problème, qui dit toujours bonjour.

Ce que ça va te coûter : 300 euros de location de chalet, 800 euros de fromage, 22 ans de prison ferme.

Le bon côté de la chose : tu as sept chances sur huit de ne pas être la victime.

À quelle heure partir : la question ne se pose pas vraiment : tu vas écoper du canapé-lit du salon.

 

LE RÉVEILLON DANS L’APPARTEMENT DE QUELQU’UN QUE TU NE CONNAIS PAS

Il paraît que cette Galadrielle “qui fait Louis-Lumière” est “supersympa”. Et de toute façon, tu n’as pas été force de proposition pour cette soirée. Agrippé(e) à tes deux amis qui bientôt te sèmeront “parce que c’est quand même cool de rencontrer de nouvelles personnes”, tu arpentes donc dans ce grand appartement tapissé d’œuvres de vieilles cartes topographiques et de photos de Frida Kahlo où, pour renforcer l’impression que tu as d’être un(e) figurant(e) dans un film de Christophe Honoré, tu ne trouveras personne intéressant.

Spoiler : personne ne te trouvera intéressant(e) non plus.

L’ennemi(e) à éviter : cette personne qui arpente l’appartement seule également, et qui se réjouit de votre prétendue ressemblance. Sa tristesse va t’étonner.

Ce que ça te coûter : une bouteille de champagne et trois ancien(ne)s ami(e)s.

Le bon côté de la chose : voir ci-dessous.

À quelle heure partir : à partir de minuit, quand tu veux. Personne ne remarquera ton départ.

 

LE RÉVEILLON À SIX AUTOUR D’UNE TABLE BASSE

L’option proposée par tes amis à qui on ne la fait pas et qui, considérant que “c’est une soirée comme les autres” partent du principe que tu as généralement les mêmes soirées qu’eux : mal assis autour d’une table basse d’imitation danoise. Probablement les mêmes amis qui voient en Noël “une fête commerciale” et qui boycotteront la Coupe du monde en Russie pour des raisons politiques.

Spoiler : il y aura un moment assez long sur Xavier Dolan.

L’ennemi(e) à éviter : le(a) fan de Xavier Dolan.

Ce que ça va te coûter : une bouteille de vin + une bouteille de champagne + le fromage ou le dessert. Treize euros (personne n’a interdit de se fournir chez Lidl).

Le bon côté de la chose : tu vas manger sain. Très sain.

À quelle heure partir : minuit + une heure de politesse + mise en scène d’un crescendo de bâillements = 1h45.

 

LE RÉVEILLON “TOURISTE AU MILIEU DE LA FOULE”

Envie d’aller faire le pitre par -4° avec une bouteille de mauvais champagne à la main ? Bien décidé(e) à prouver au monde que tu sais compter à l’envers en hurlant ? Le réveillon “touriste au milieu de la foule” est fait pour toi. Facile à organiser, il nécessitera un gros manteau, un peu d’alcool, un rendez-vous à 23h45 dans le lieu emblématique local (Champs-Élysées, Time Square, place Duroc), et pas mal d’inconscience pour embrasser cet(te) inconnu(e) qui crie “zéroooooo, bonne annéééééééée!” à dix centimètres de tes oreilles.

Spoiler : les gens sont chiants.

L’ennemi(e) à éviter : la personne seule, qui te propose un peu de son champagne.

Ce que ça va te coûter : douze euros de mauvais champagne, 25 euros de consultation chez le médecin trois jours plus tard.

Le bon côté de la chose : en cas d’attentat, tu pourras dire : “J’y étais !”

À quelle heure partir : un peu avant le début de ton réveillon aux urgences.

 

LE RÉVEILLON AUX URGENCES

Pas forcément le Nouvel An que tu avais imaginé, mais le plaisir, c’est aussi la surprise. Valeur sûre prisée chaque année par des milliers de personnes, le réveillon aux urgences égayera ton 31 avec sa large palette de situations burlesques, allant du lavage d’estomac par voie rectale à la bise de Nouvel An au (à la) voisin(e) de salle d’attente qui vient de vomir. Un must!

Spoiler : “Déshabillez-vous.”

L’ennemi(e) à éviter : le(a) voisin(e) de salle d’attente qui a pris de la MDMA.

Ce que ça va te coûter : la culpabilité de creuser le trou de la Sécu, une réputation.

Le bon côté de la chose : super anecdote à raconter à la machine à café !

À quelle heure partir : tu peux marcher ? Ne t’éternise pas, les meilleures soirées sont souvent les plus courtes.

 

LE RÉVEILLON “CONCEPT LUDIQUE”

Manger, boire, discuter, danser : autant d’activités décrétées “un peu plan-plan pour un réveillon” par cet(te) bon(ne) copain(ine) dont le dynamisme et la bonne humeur font toujours plaisir à voir. Le(a) voici donc qui organise une chasse aux trésors, une murder party (un genre de Cluedo grandeur nature) ou qui te traîne dans un escape game (une succession de petites pièces dont il faut s’échapper, comme dans Fort Boyard mais sans Félindra) rendus confus et hystériques par le présupposé festif de la soirée.

Spoiler : c’est la première et la dernière fois que tu y joueras.

Les ennemis à éviter : le couple dont les tensions ressurgissent dans un mélange d’alcool et de mauvais perdants.

Ce que ça va te coûter : quatre ou cinq heures.

Le bon côté de la chose : tu n’as pas à faire la conversation.

À quelle heure partir : désolé, mais cette décision ne te revient plus.

 

LE RÉVEILLON AU BUREAU

Le type même de réveillon imposé qui s’avèrera finalement être la bonne option pour passer une soirée agréable et sans mauvaise surprise, dans un bureau quasi désert. Ajoute à cela un plateau repas décent fourni par l’employeur, une connexion internet fiable et une prime de travail de jour férié : voilà, tu as l’archétype du réveillon réussi !

Spoiler : super, cette série Netflix !

L’ennemi(e) à éviter : ce(tte) collègue qui dit : “Non mais je peux prendre ta place si tu veux.”

Ce que ça va te coûter : beaucoup, mais seulement en apparence.

Le bon côté de la chose : tu as l’excuse parfaite pour repousser toute autre invitation

À quelle heure partir : après le dernier épisode.

 

LE RÉVEILLON TOURNANT, ET CETTE ANNÉE C’EST CHEZ TOI

Il y a des paroles que l’on retient toute sa vie. Ton “et l’année prochaine, on tourne hein !!!” imbibé et lancé à la cantonade le 1er janvier dernier à 3h47 est de ceux-là –à croire que tes amis s’en sont fait un mantra ces 364 derniers jours. Si les avertissements ont plu toute l’année durant, le couperet tombe le 15 novembre sous la forme d’un mail collectif : “Coucou, tu nous diras ce qu’on apporte pour le 31. ;)” Ne nous regarde pas, tu t’es mis là-dedans tout(e) seul(e), nous ne pouvons rien pour toi.

Spoiler : tu te souviens quand tu t’es dit “Oh là là ! Le bordel…” en jetant un dernier coup d’œil à l’appart de tes amis, l’an dernier ? Ah ah ah.

Les ennemis à éviter : après avoir acté le fait que tu étais ton(a) pire ennemi(e) sur ce coup, tu peux considérer que tout le monde sera un(e) ennemi(e) potentiel(le).

Ce que ça va te coûter : 150 euros en bouffe et boissons, trois heures de préparation avant, autant en ménage et rangement après, l’antipathie de tes voisins, la fin de tes illusions sur tes contemporains et un ficus auquel tu tenais beaucoup.

Le bon côté de la chose : l’année prochaine, on tourne !

À quelle heure partir : lol.

 

LE RÉVEILLON AU RESTAURANT

L’argent ne fait pas le bonheur. C’est dans cette optique que tu as choisi de réserver pour huit dans ce restaurant qui propose, pour le double du prix habituel, une farandole de mets surévalués comme la crevette, la purée de légumes oubliés ou le gigot d’agneau. Mais tu le sais aussi, l’enfer est pavé de bonnes intentions et tes amis, ceux-là mêmes qui regardent actuellement dans le vague, par-dessus ton épaule, n’ont pas compris ton altruisme. Peut-être même regrettent-ils la soirée Picard-Plus grand cabaret du monde qui leur tendait les bras. Ingrats.

Spoiler : c’est dur à attraper, un serveur, hein ?

L’ennemi(e) à éviter : l’ami(e) qui s’empare de la carte des vins.

Ce que ça va te coûter : 36 euros le menu + 95 euros de liquides divers.

Le bon côté de la chose : l’ingestion de ces 400 grammes de foie de volatile torturé t’amènera naturellement vers une bonne résolution faite d’un peu de légumes vapeur et de beaucoup de frustration.

À quelle heure partir : juste avant l’addition, en laissant sa part –absolument jamais en dernier : il y a toujours un reliquat à payer.

Par Chamoux et Gouverneur