RÉVOLUTION

Signé d’un Z qui veut dire… ZCash

Le 9 janvier dernier, l'Autorité des marchés financiers rappelait à la star de télé-réalité Nabilla que “le Bitcoin c'est très risqué ! On peut perdre toute sa mise. Pas de placement miracle. Restez à l'écart”. Un peu plus de quatre mois plus tôt, le 30 septembre, le lanceur d’alerte Edward Snowden remettait lui aussi en question le Bitcoin. Mais cette fois, en mettant en lumière une autre cryptomonnaie, le ZCash, qui a depuis vu son cours grimper et suscité l’intérêt d’une grande banque américaine, JP Morgan Chase, et d’un groupe de hackers très influent, les Shadow Brokers.

“À la prochaine crise financière, le Bitcoin s’imposera comme une monnaie à part entière. Les autres ne tiendront pas le choc.” Sofiane Bouhaddi est sûr de lui. Tellement que dans son bar, le Sof’s Bar, situé en plein cœur de Paris, il organise des meet-up plusieurs fois par mois, où des aficionados du Bitcoin, âgés de 25 à 40 ans, travaillant dans la finance et l’informatique, viennent discuter de l’avenir de la cryptomonnaie créée en 2008 par un Japonais contre le système bancaire traditionnel. Et lors de ces rendez-vous, le pub affiche toujours complet. Il faut dire que, malgré la bulle spéculative qui l’entoure, la pionnière et la plus médiatique des monnaies virtuelles se retrouve à un niveau jamais atteint auparavant : un Bitcoin vaut aujourd’hui 11 500 euros. Devant un tel succès, des centaines d’autres monnaies virtuelles ont vu le jour. Comme le Ripple, qui a connu une croissance de 36 000 % en 2017, soit la plus grosse augmentation. Mais aussi le ZCash qui, depuis octobre 2016, truste le haut du classement des cryptomonnaies les plus en vogue.

La confidentialité, pierre angulaire du ZCash

Créé par l’Américain Zooko Wilcox, le ZCash se base sur ce qui a fait le succès du Bitcoin : être une monnaie virtuelle, ne dépendre d’aucun État et s’autoréguler automatiquement. Mais il inclut un volet de confidentialité en plus. À la différence du Bitcoin, pour lequel chaque transaction est inscrite dans une immense base de données, la blockchain, l’équipe de développeurs à l’origine du ZCash a réussi à intégrer une technologie, le zk-SNARK, qui rend les transactions entre les utilisateurs totalement anonymes. Fabrice Marchal, ingénieur et co-créateur de la communauté francophone du ZCash, s’est laissé séduire par cette

La banque JP Morgan Chase, plus grande banque des États-Unis, a intégré, le 17 octobre dernier, la technologie de confidentialité du ZCash, le zk-SNARK, à son système de transaction
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monnaie. Elle permet, selon lui, de revenir à ce qui fait l’essence d’un moyen de paiement basique tout en pariant sur l’avenir. “En réalité, cette confidentialité revient au cheminement d’un billet de banque en liquide. Lorsqu’on effectue un achat avec un billet, aucune donnée n’est enregistrée concernant l’émetteur, le destinataire et la valeur fiduciaire, confie l’homme de 28 ans. Pour le ZCash, c’est le même principe. La seule différence est que la monnaie n’est pas matérielle, tout est virtuel. Et si on peut gagner plus que ce que qu’on a injecté, c’est tentant d’essayer » Le féru d’informatique, DUT informatique et école d’ingénieur en poche, utilise et rembourse de temps en temps un ami en ZCash. « Il y a trois mois, j’ai taché la chemise d’un pote, Maxime. Je lui ai remboursé le pressing, une somme de 20 euros qu’il avait avancée, en ZCash. Aujourd’hui, avec le cours actuel, il possède 90 euros en monnaie virtuelle (11 600 euros désormais, le cours du ZCash ayant grimpé depuis, ndlr). En rigolant, je lui ai dit que je pouvais tacher sa chemise encore plusieurs fois.” Car un ZCash vaut aujourd’hui 580 euros. Une somme qu’un détenteur de ZCash peut retirer à tout moment à la Maison du Bitcoin, à Paris, ou sur le site internet coinhouse.co.

La banque JP Morgan Chase, plus grande banque des États-Unis, a intégré, le 17 octobre dernier, la technologie de confidentialité du ZCash, le zk-SNARK, à son système de transaction pour masquer toutes les informations identifiables, tout en permettant au réseau la possibilité de vérifier les échanges. La monnaie virtuelle a alors vu son cours doubler en quelques heures, puis ne plus cesser d’augmenter. Un groupe de hackers américains, les Shadow Brokers (les courtiers de l’ombre, en français), a offert en mai 2017 la possibilité à des personnes de lire des informations confidentielles de la NSA contre l’équivalent de 22 000 euros à payer en ZCash. Une bonne publicité pour la monnaie, comme le certifie Renaud Lifchitz, ingénieur expert sécurité à Digital Security : “C’est bénéfique pour le ZCash. Plus on parle de quelque chose, plus on suscite l’intérêt et plus le cours de la monnaie monte. C’est exactement le même principe que sur les marchés boursiers. À chaque annonce, on a assisté à une montée du cours.

Minage à trois

Un potentiel qui attire de plus en plus de gens, donc. Et si certains achètent juste de la monnaie, d’autres ont pris le pari de “miner”, ce qui signifie “créer de la monnaie” dans le monde des monnaies virtuelles, car pour que la monnaie maintienne son cours, il faut produire de la valeur. Pour cela, il est nécessaire

Un paiement en ZCash n’est pas encore possible sur un smartphone. Le système est complexe. Il ne faut pas oublier que c’est une cryptomonnaie récente. Il faut lui laisser encore un peu de temps. Le Bitcoin a mis cinq ans pour se démocratiser en France
Renaud Lifchitz

d’investir dans du matériel informatique : plusieurs cartes graphiques, un peu bruyantes à cause des ventilateurs ; une carte mère ; un disque dur ; une connexion à Internet ; et des palettes en bois, sur lesquelles poser le tout. Cependant, le minage n’est pas à la portée de tous. Pour installer et faire démarrer le procédé, de très bonnes connaissances en informatique sont requises. Le minage peut se révéler coûteux. “Même si l’on trouve le matériel nécessaire dans n’importe quelle boutique d’informatique, les prix sont un peu élevés, assure Fabrice Marchal, qui fait partie de ceux qui ont préféré créer plutôt qu’acheter. Il faut compter 350 euros pour une carte graphique correcte et au minimum 350 euros encore pour le reste de l’équipement. Comme je ne disposais pas de l’argent nécessaire, nous sommes trois à partager un rig de minage. J’ai installé le matériel dans une petite chambre, dans mon appartement. Nous produisons au total 0,012 ZCash par jour (soit 7,02 euros sur le cours actuel, ndlr). Si la somme peut paraître faible, le cours de la cryptomonnaie varie et certaines périodes se montrent plus intéressantes financièrement que d’autres, comme l’explique l’ingénieur. “Je mine toute l’année. En hiver, c’est encore plus profitable parce que l’énergie qu’utilisent les cartes graphiques permet de chauffer les pièces de l’appartement. Je ne dépense pas d’argent dans l’électricité. Et ça rapporte de l’argent, contrairement à un radiateur”, s’amuse-t-il, dans sa doudoune sans manches. 

Payer en ZCash d’ici cinq ans ?

Cependant, s’il est présenté comme une bonne alternative, le ZCash montre quelques limites. Après un peu plus d’un an d’existence, il est encore peu démocratisé, que ce soit sur le web et dans les établissements. Pour Renaud Lifchitz, la cryptomonnaie n’est pas encore assez facile à utiliser pour plaire au plus grand nombre. “Un paiement en ZCash n’est pas encore possible sur un smartphone. Le système est complexe. Il ne faut pas oublier que c’est une cryptomonnaie récente. Il faut lui laisser encore un peu de temps. Le Bitcoin a mis cinq ans pour se démocratiser en France”, précise l’ingénieur de 35 ans. D’autant qu’un concurrent lui donne du fil à retordre : l’Ether. Créé en mai 2015, il est la deuxième cryptomonnaie la plus utilisée après le Bitcoin, exploitée par une trentaine de grandes entreprises comme BP, Intel, ING et Microsoft. Selon Victor Abraham, fondateur du site d’actualité sur les cryptomonnaies CryptoActu, voir le ZCash s’imposer peut prendre du temps. Il est compliqué pour un commerçant de proposer un produit dont le prix affiché ne vaudrait pas la même chose d’une heure à l’autre, et pour un utilisateur de ne pas savoir si l’argent qu’il possède vaudra assez le lendemain pour faire ses courses, assure l’étudiant de 20 ans en ingénierie informatique. La stabilité est un réel pari à surmonter pour une cryptomonnaie comme le ZCash, dans l’idée de remplacer les monnaies fiduciaires. Le défi est compliqué à résoudre, personne ne semble avoir la solution aujourd’hui.” Fabrice Marchal, lui, y croit dur comme fer : d’ici cinq ans, le ZCash s’imposera comme une monnaie à part entière. En attendant, il aura bien d’autres occasions de tacher la chemise de Maxime.

Par Cyril Coantiec


Cet article est le fruit d’un partenariat avec le CFPJ, dont douze étudiants ont traité spécialement pour Society des sujets sur les thèmes suivants : "Révolution" et "En Marge !".